Wilderness - Lance Weller
Abel Truman est un vieil homme qui mène une vie solitaire et misérable sur les bords du Pacifique Nord. Trente ans plus tôt, il a participé à la guerre de Sécession, et la sauvagerie dont il fut témoin et acteur ne cesse de le hanter. Un matin, lassé d'une vie dénuée de sens, Abel se jette dans la mer pour s'y noyer. Mais la mer ne veut pas de lui. Alors il prend la route avec son chien, son fusil et sa couverture de soldat. Malheureusement pour lui, il rencontre deux brigands qui le battent à mort pour lui voler son chien. Il part à leur poursuite à travers la forêt et la neige pour récupérer son chien, tout en revivant mentalement ses années de guerre.
Wilderness est le nom d'une bataille de la guerre de Sécession, moins connue que Gettysburg mais tout aussi meurtrière, qui est considérée par les historiens comme le tournant de la guerre, car elle marqua le début de la fin pour les Sudistes. Wilderness c'est aussi le nom que les américains donnent à la nature sauvage qui caractérise leur pays : aussi grandiose et majestueuse que rude et violente, une nature contre laquelle il fallut se battre pour conquérir ce vaste territoire, une nature qui a façonné un homme violent. Et c'est la violence qui est au coeur de ce roman. Si la guerre de Sécession fut un évènement crucial dans l'histoire des Etats-Unis, la lutte contre la nature fut un élément marquant de la construction de l'homo americanus.
Cet excès de violence m'a quelque peu gênée dans ma lecture, une violence née de la guerre, certes, mais aussi de la peur, du racisme ou de l'avidité. Chaque fois que deux personnages se rencontrent, il y a une scène de violence. Tout n'est que coups et blessures, plaies et sang, douleur et humiliation, le tout magnifié par la plume incroyablement belle de Lance Weller, dense, riche, imagée et presque voluptueuse. Il y a pourtant (et heureusement !) beaucoup d'humanité dans ce roman. Abel, qui semble souvent préférer les animaux aux humains, va trouver beaucoup d'aide sur sa route, offerte souvent par ceux qu'il méprise : Noirs et Indiens. Il finira par gagner lui-même en humanité en laissant derrière lui une curieuse famille recomposée et multicolore, à l'image de ce que sera l'Amérique du XXe siècle.
Un roman rude et magnifique, à l'image du pays dont il vient.
Traduit de l'américain par François Happe.
Gallmeister, 2013. - 335 p.