Pyongyang - Guy Delisle
En 2002, l’illustrateur Guy Delisle a l’occasion d’aller passer deux mois à Pyongyang, pour y superviser la production d’un dessin animé ; Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, pays le plus fermé du monde, et seule dictature héréditaire communiste. Pays pauvre, avide de devises étrangères, la Corée du Nord est devenu un gros producteur de dessins animés (ceux-là mêmes qui font la joie des enfants occidentaux à la télé.)
Dès son arrivée, Guy Delisle se voit adjoindre un guide et un interprète, qui ne le quittent pas d’une semelle, et seront quasiment les seuls coréens qu’il fréquentera de près. Il est logé dans un énorme hôtel réservé aux visiteurs étrangers et quasi vide puisque les touristes ne se battent évidemment pas pour découvrir la Corée du Nord et que les ONG y sont de moins en moins nombreuses. Son existence se déroule entre son hôtel et le bureau de la production, entre lesquels il circule dans un minibus climatisé en compagnie de ses deux « anges gardiens ». Les rares visites touristiques qui lui sont proposées concernent des bâtiments dédiés à la gloire du fondateur du régime, Kim Il-sung, et à son fils Kim Jong-il (depuis, celui-ci est mort et a été remplacé par Kim Jong-un). Un des traits marquants du régime est en effet le culte de la personnalité : dans chaque pièce de chaque bâtiment, on trouve un portrait du père et du fils, et chaque coréen se doit d’aborder un badge du glorieux dirigeant. Une seule chaîne de télévision qui ne diffuse que de la propagande anti-capitaliste et anti-américaine, et aucun accès internet. Les coréens sont enfermés dans leur pays et soumis à un intense lavage de cerveau.
Autant dans Les chroniques de Jérusalem, Guy Delisle adoptait un ton neutre et sans parti pris (tant la situation politique était complexe), autant ici il donne libre cours à un ton ironique, truffant son récit de dessins humoristiques se moquant du régime des Kim. C’est écrit et dessiné sur le mode du récit de voyage mêlant des anecdotes très personnelles à des observations plus générales : comment la ville de Pyongyang brille comme un sou neuf, dissimulant soigneusement ses bidonvilles, comment ses habitants sont complètement robotisés, comment le régime entretient sa propre légende et vit dans la paranoïa. Ce récit met en images tout ce que l’on peut imaginer sur les régimes totalitaires autoritaires, une vision glaçante qui confine pourtant souvent au ridicule, vue de notre démocratie bancale mais bien-aimée.
L’association, 2003. – 176 p.