Mon Festival America
Ce week-end, l'Amérique était aux portes de Paris, puisque la ville de Vincennes accueillait la 7e edition du Festival America, dédié aux littératures d'Amérique du Nord, avec cette année Margaret Atwood en invitée d'honneur et un focus sur les relations de la France et de l'Amérique, donc beaucoup d'auteurs français invités.
Le Festival America, c'est un salon du livre, des séances de dédicaces, des débats, des expos, des films : il y en a pour tous les goûts. Et la programmation était particulièrement alléchante cette année avec des auteurs phare de la rentrée littéraire comme Philipp Meyer, Tim Gaudreaux ou Nicolas Butler, et d'autres plus confirmés comme Joseph Boyden, Paul Harding ou David Vann.
C'est donc avec grand plaisir que j'ai traversé le périphérique pour passer mon dimanche dans une Amérique littéraire et polymorphe. Je me suis concentrée sur les débats avec l'intention d'écouter des auteurs que je me propose de découvrir bientôt, et d'autres qui sont toujours passionnants comme Joseph Boyden ou Ron Rash. Je dois dire que si dans la matinée les auditoires étaient un peu clairsemés, dans l'après-midi les salles se remplissaient et à partir de 16h tout était plein à craquer. Et je trouve très réjouissant de penser que des centaines de gens sont prêts à sacrifier un dimanche ensoleillé pour aller écouter des écrivains parler de littérature.
Quelques moments forts de la journée :
- David Vann nous a fait rire (oui, vous avez bien lu !) en nous parlant de sa famille, source principale d'inspiration à son oeuvre et riche en tragédies (5 suicides et un meurtre) : "je crois qu'avec mes quatre premiers livres j'ai fait un bûcher avec mes histoires de famille et que je vais pouvoir passer à autre chose".
- J'ai aimé Maylis de Kérangal expliquant qu'elle aime écrire sur des sujets qu'elle ne connaît pas, tout en gardant une structure semblable : "quelque chose en construction, beaucoup d'intervenants, un temps limité".
Le débat "Les vivants et les morts" animé par Fabrice Colin.
- J'ai adoré entendre dans un débat le musicien Zacharie Richard (que j'ai vu en concert en Louisiane en 1982 lors de mon tout premier voyage aux USA !) nous parler dans le mervelleux français des cajuns.
- J'ai aimé le débat sur l'écologie et cette question "un écrivain peut-il être un militant ?" Réponse de Rick Bass : Le but de l'art est de donner quelque chose à son public, alors que le but de l'activisme, c'est de prendre quelque chose au public en lui formatant l'esprit. J'aurais aimé entendre Rick Bass plus longtemps sur cette question. Cinq intervenants dans un débat de 90 minutes, c'est beaucoup, surtout quand il faut compter le temps des traductions, et tous les intervenants de ce débat avaient des choses très intéressantes à dire (même Nancy Huston, qui est pourtant un peu allumée).
- J'ai adoré le débat "Indiens et Blancs en Amérique : face à face", avec Joseph Boyden et Philipp Meyer qui nous ont fait beaucoup rire et qui ont l'air de s'entendre comme larrons en foire. Boyden : "mon père est un Peau-rouge, ma mère une femme blanche, je suis un garçon rose". Le débat était cependant d'un très bon niveau, tournant autour de la question : comment travailler sur les sources pour écrire sur les indiens quand tout a été écrit par des blancs ? Philipp Meyer explique qu'il voulait d'abord écrire sur la naissance du mythe américain, et qu'en creusant la question, il a découvert une autre histoire sous l'histoire officielle de la conquête de l'Ouest. Joseph Boyden a renchéri en disant que les canadiens ignorent volontairement leur histoire, parce qu'ils vivent dans l'illusion qu'ils sont plus gentils que leurs voisins américains, alors que leur histoire est toute aussi violente.
- J'ai également beaucoup aimé le débat "Ecrire la guerre" avec Ron Rash, Joseph Boyden, Pierre Lemaître. Eux aussi nous ont fait rire en nous expliquant que la guerre est un formidable sujet pour un écrivain, par sa tension dramatique, parce que "c'est un évènement extraordinaire qui arrive à des gens ordinaires". Pierre Lemaître : "je viens du roman policier et comme crime une guerre mondiale c'est un excellent rendement !" Ron Rash : "La guerre révèle les vrais caractères. Et c'est une manière de parler du présent en évoquant le passé". Là aussi, la question des sources a été posée. Ron Rash : "un écrivain veut présenter un monde aussi véridique que possible donc il fait des recherches, mais les faits ne suffisent pas : comment les faits sont vécus c'est ça qui est important, c'est ça que fait l'artiste." Pierre Lemaître : "je me fous de l'exactitude, ce qui m'intéresse c'est la vérité, mon boulot c'est de fabriquer de l'émotion pour le lecteur."
En tout cas des émotions j'en ai eu plein pendant cette journée et ma liste d'envies de lectures s'est considérablement allongée. Et ce fut à nouveau un plaisir de constater combien tous ces écrivains sont des gens simples, souriants, avenants, ravis d'aller au devant de leurs lecteurs
Parmi les bons moments de la journée, je dois noter aussi ma rencontre avec Keisha, Mior et Delphine, et un excellent déjeuner thaï (merci Mior !)
Rendez-vous dans deux ans pour la 8e édition !
D'autres billets : Mior, Kathel, A propos de livres