Mémoires d'un vieux crocodile - Tennessee Williams
Lire l’autobiographie de Tennessee Williams, c’est partir à la découverte d’une personnalité vraiment étonnante. Certes, la lecture en est parfois un peu fastidieuse parce que l’auteur cite de nombreuses personnalités de la vie théâtrale américaine des années cinquante et soixante qui sont aujourd’hui complètement tombées dans l’oubli. Par ailleurs, il reconnaît à plusieurs reprises être plus à l’aise pour évoquer sa vie privée que pour parler de son travail. Donc il raconte de nombreuses anecdotes sur sa vie sexuelle qui fut totalement débridée mais se montre beaucoup plus pudique sur son travail d’écrivain. Pourtant c’est l’écriture qui a constitué pendant toute sa vie sa seule raison de vivre.
Issu d’une vieille famille du sud des Etats-Unis, Tennessee Williams (de son vrai nom Thomas Lanier Williams III) fut hanté toute sa vie par l’angoisse de devenir fou. Fils d’une mère hystérique et d’un père extravagant au point de jouer sa carrière sur un coup de poker, il a vu sa sœur bien-aimée internée très jeune. Lui-même connaîtra au cours de sa vie plusieurs dépressions sévères dont l’une le conduira à l’internement. C’est dans l’écriture qu’il a trouvé sa meilleure thérapie. Et c’est au travers de l’évocation de son travail que se révèle une personnalité vraiment attachante, à la fois timide et extravagante, hyper angoissé à chacune de ses productions et vivant très mal les échecs. Il montre bien la double difficulté de la création théâtrale. Il s’agit pour le dramaturge d’abord de créer une œuvre sur le papier puis de faire de cette œuvre une création dramatique, ce qui implique des acteurs, un metteur en scène, un producteur, un public et des critiques. Et Tennessee Williams est très sensible aux critiques. Sa carrière qui a démarré sur des chapeaux de roue avec le succès de La ménagerie de verre connaîtra par la suite des hauts et des bas qui l’épuisent. Toutes ses pièces suivantes ont été vivement critiquées car jugées trop modernes. S’en suivront des difficultés à écrire qui, alliées à son besoin d’écrire, le conduiront à consommer de la drogue dès les années soixante.
Bref, une belle découverte que cet homme-là avec ses contradictions, son talent, son humour caustique et surtout son pathétique désir de fuir qui l’a conduit à brûler sa vie dans le sexe, l’alcool et la drogue.
Points - 1993 - 340 p.