Mikhail Boulgakov - Le Maître et Marguerite
Je suis venue finalement venue à bout de ce roman magistral, mais comment résumer un tel monument ? Ou alors, d’une phrase : l’irruption du diable, un soir de pleine lune à Moscou, met la ville sens dessus dessous. Ou encore : Marguerite fait un pacte avec le diable pour sauver son amant, le Maître, un écrivain maudit qui est le double littéraire de l’auteur. Mais ces résumés sont très réducteurs.
Ecrit en réaction à la propagande soviétique anti-religieuse, ce roman est un pamphlet contre le régime soviétique, mais un pamphlet camouflé dans un univers baroque et grotesque. Il y a une filiation directe de Gogol à Boulgakov : même univers mi-fantastique, mi-burlesque, prétexte à dénoncer les dysfonctionnements de la société russe. Et Boulgakov dénonce en vrac la culture officielle, la censure, le discours politique stéréotypé, le rejet de la culture classique et de ses grands maîtres, la crise du logement à Moscou et le cauchemar des appartements communautaires, les arrestations arbitraires, …
Et on s‘amuse beaucoup car le diable version Boulgakov est plus facétieux que méchant. Certes, on assiste à des scènes hilarantes, comme le spectacle de magie noire au Théâtre des Variétés ou le grand bal satanique dans un appartement moscovite, mais il y a surtout une accumulation de petites diableries : apparitions et disparitions mystérieuses, roubles changés en dollar, voisin libidineux changé en pourceau, femme amoureuse changé en sorcière, etc…La plupart de ces facéties sont dues aux acolytes du diable, dont un gros chat noir, nommé Béhémoth.
Mais sous le roman burlesque se cache un roman philosophique car la vraie question du roman est : comment le bien pourrait-il exister si le mal n’existait pas, pourquoi craindre le diable si on ne croit pas à Dieu ? Et cette partie-là touche parfois au sublime, notamment dans le personnage de Ponce Pilate, rongé du remords d’avoir fait condamner Jésus, qu’il savait innocent, pour ne pas déplaire à l’empereur de Rome. La lâcheté est le plus grand des défauts.
Pocket, 1968. – 577 p.