Sherlock Holmes
Il y a quelques semaines, Fashion et Stéphanie lançaient le challenge « Lunettes noires sur pages blanches » pour nous inciter à chroniquer simultanément un roman et son adaptation au cinéma. Et ce n’est pas la matière qui manque tant les adaptations fleurissent sur nos écrans. Comme je traverse une période de lecture de polars, j’ai porté mon choix sur le plus célèbre des détectives : Sherlock himself.
Les aventures de Sherlock Holmes par Arthur Conan Doyle
Grâce à Bibliosurf, j’ai mis la main sur une édition que je trouve formidable, celle d’Omnibus, qui regroupe en trois tomes toutes les aventures de Sherlock Holmes dans une nouvelle traduction et en version bilingue. Et avant de me précipiter au cinéma, j’ai (re)lu les trois premières aventures imaginées par Conan Doyle.
Une étude en rouge
L’intérêt de cette longue nouvelle est qu’on y remonte aux fondements du mythe. Watson nous y raconte sa rencontre avec Sherlock Holmes et leurs débuts dans la carrière de détectives. Nous sommes dans les années 1880 et le jeune médecin militaire John Watson rentre d’Afghanistan où il a été gravement blessé. Il cherche un logement bon marché,, et un camarade de promotion lui présente un type un peu bizarre qui cherche, lui, un colocataire. Voilà comment Watson franchit pour la première fois la porte du 221b Baker Street. Sherlock est un étudiant attardé qui s’intéresse à la science et au raisonnement déductif, qui permettent d’explorer le monde et, accessoirement, d’en dévoiler les mystères. Il explique ses théories à un Watson un peu sceptique. Survient alors un meurtre mystérieux et Holmes est sollicité par Scotland Yard. Il va pouvoir faire une démonstration de ses talents à celui qui n’est pas encore son ami ni son chroniqueur. La résolution de l’énigme sera aussi rapide que surprenante, mais il faut bien avouer que si Sherlock a effectivement un grand don d’observation, il a aussi beaucoup de chance parce que, quand même, les indices jalonnent sa route… (Le criminel du XIXe siècle n’ayant pas lu de polar (et pour cause) est très négligent). Tout le charme de cette histoire repose bien évidemment sur le personnage de Sherlock Holmes et sur ses méthodes non conventionnelles.
Le signe des quatre
Cet épisode s’ouvre sur une grosse crise de déprime de Sherlock : pas d’enquête en vue, le détective s’ennuie et se livre sans mesure à son goût pour la cocaïne, au grand dam de Watson. Heureusement, la charmante Mary Morstan débarque au 221b Baker Street pour faire appel à ses services : elle veut savoir ce qu’il est advenu de son père, mystérieusement disparu après son retour des Indes. Cette enquête va se révéler plus ardue à résoudre, même si les indices continuent de pleuvoir. Mais elle va donner l’occasion à Watson de tomber amoureux, et à Holmes de se livrer à son talent pour le déguisement. Et Conan Doyle nous balade dans un Londres très réaliste. Comme dans le premier épisode, le fin mot de l’histoire repose ici sur une histoire de vengeance et l’auteur utilise le même procédé que dans l’épisode précédent : un récit enchâssé nous raconte l’histoire du meurtrier, ce qui donne à l’auteur l’occasion de transporter son lecteur très loin de l’intrigue et de se livrer à son goût pour le roman historique. Cet épisode donne par ailleurs un peu d’épaisseur à Watson, qui n’est plus seulement spectateur, mais acteur de la résolution de l’énigme.
Un scandale en Bohême
Une courte nouvelle qui fait apparaître un personnage emblématique des aventures de Sherlock Holmes : Irène Adler, femme fatale et aventurière de haut vol. Une femme à la mesure du talent de Sherlock et qui va parvenir à la fois à le déjouer et à lui échapper.
Traduit de l’anglais par Eric Wittersheim
Omnibus, 2005. – 1096 p.
A ce stade, j’ai estimé que j’en savais assez sur l’univers de Sherlock Holmes pour voir l’adaptation ciné de ses aventures.
Sherlock Holmes de Guy Ritchie
Le film démarre sur les chapeaux de roues : Sherlock Holmes et Watson se livrent avec brio, énergie et humour à l’arrestation de Lord Blackwood, auteur de ci nq meurtres de femmes lors de cérémonies ésotériques. Pour Watson, c’est la dernière enquête puisqu’il est sur le point d’épouser Mary et de mettre fin à sa collaboration avec Holmes. Cette séparation annoncée rend Sherlock grognon et il plonge dans une de ses grandes crises de dépression. Pas pour longtemps. Quelques jours après son exécution, Lord Blackwood sort de sa tombe, semant la terreur chez les londoniens. Sherlock reprend l’enquête, entraînant Watson dans l’aventure, qui se complique quelque peu quand la belle Irene Adler fait irruption…
Mon plus gros reproche envers ce film est le montage plus que nerveux, qui donne un peu le tournis. Mais l’intrigue est super bien ficelée, basée certes sur la « science de la déduction », mais surtout sur l’action et sur l’humour. Si on laisse de côté le cliché d’un Sherlock à casquette et manteau de tweed, on adopte assez vite cet avatar américain assez conforme à l’original : il fume la pipe, joue du violon et adore se déguiser. Seule son addiction à la cocaïne est passée sous silence (sans doute parce qu’elle n’est pas très politiquement correcte pour un film américain grand public). Le film réussit le pari d’inventer une histoire originale tout en faisant apparaître quelques uns des personnages phares imaginés par Conan Doyle : Mary, Irene, et bien sûr Moriarty.
L’aspect le plus plaisant du film (et le mieux réussi) repose sur la relation Watson-Holmes. Watson n’est plus le faire-valoir du détective mais un associé à part entière. Les deux hommes sont unis par une grande complicité et une profonde amitié, qui pourrait presque passer pour ambigüe quand on voit la jalousie avec laquelle Sherlock réagit au prochain mariage de son ami. Une autre innovation majeure est la multiplication des scènes d’action. On savait déjà que Sherlock et Watson ne répugnaient pas à aller sur le terrain et à mettre les mains dans le cambouis, mais on les découvre ici bagarreurs, bretteurs et fins tireurs, le tout sans jamais se départir de leur flegme et de leur humour très britanniques. Quant à la morale de l’histoire, elle me semble tout à fait conforme à la philosophie holmesienne puisqu’elle bat en brèche la superstition et le surnaturel, et toutes les peurs qui en découlent. J’ai adoré la scène finale qui sacrifie l’obscurantisme sur l’autel de la modernité que représente en 1890 le Tower Bridge londonien.
Film américain (2010) de Guy Ritchie
Avec Robert Downey Jr, Jude Law, Mark Strong, Rachel MacAdams, Kelly Reilly.
Genre : policier ; durée : 2h08.