Indian Creek - Pete Fromm
Je découvre la toute nouvelle collection Totem de Gallmeister avec le récit d’une avent ure un peu folle qui est devenu un classique du nature writing aux Etats-Unis.
Pete Fromm a grandi dans la ville industrielle de Milwaukee, dans le Wisconsin, mais a été initié assez jeune aux joies du camping et de la randonnée par ses parents. Son amour de la nature le pousse ensuite à s’inscrire à l’université de Missoula dans le Montana, pour y faire des études de biologie animale. Il a pour colocataire un passionné de chasse et grand lecteur qui l’initie à la littérature d’aventures américaine : Jim Beckworth, Hugh Glass et A. B. Guthrie, et leurs histoires de trappe et de chasse qui ont fondé le mythe de l’Amérique sauvage. Pete Fromm vient juste d’avoir vingt ans quand on lui propose un job d’un genre très spécial : passer l’hiver dans les Rocheuses, pour « garder » des œufs de saumon, en attendant leur grande migration vers la mer. Le jeune homme accepte sans même réfléchir, abandonnant du même coup études, amis et appart, voyant là l’occasion de découvrir cette vraie nature sauvage qui le fait tant rêver. Il a quinze jours pour se préparer : accumuler des provisions, quelques outils et un fusil (dont il ne sait pas vraiment se servir…) Et voilà comment notre héros se retrouve par une belle matinée d’automne à Indian Creek, au bord de la Selway River et à 2500 m d’altitude, avec la perspective de passer les sept prochains mois seul sous une tente de quinze mètres carrés. Pour la première fois, Pete se demande s’il n’a pas fait une grosse bêtise en se lançant dans cette aventure…
« En acceptant de venir ici, j’avais dans la tête une vague idée de liberté : n’obéir à personne, ne faire que ce que je voulais. Il me semblait maintenant avoir négligé le fait tout simple que, même si je pouvais faire tout ce qui me chantait, et à n’importe quel moment, il n’y avait rien à faire. »
Un des grands charmes de ce récit réside dans son ton humoristique. L’aventure a été vécue à vingt ans, mais écrite douze ans plus tard. L’auteur a pris du recul et se montre tel qu’il était : un jeune chien fou, enthousiaste et pataud. Mais c’est aussi un jeune homme remarquablement équilibré et d’une grande humilité. Il sait tirer les leçons de ses échecs et de ses erreurs. Raison pour lesquelles il ne lui arrivera rien de vraiment grave (une mauvaise coupure et une intoxication alimentaire). Et il va surtout découvrir les deux faces de la nature sauvage : ses pièges et ses merveilles. D’un côté, le froid très rude, les prédateurs, la neige et la glace qui recouvrent tout et transforment la vallée en un puits de silence coupé du monde, de l’autre des rencontres extraordinaires avec la faune sauvage (élan, lynx, puma, chevreuil et mouflon) et le plaisir de monter sur la colline le plus proche pour méditer en contemplant un coucher de soleil.
« Après un hiver passé à rêver de m’échapper quelques jours, je n’avais plus envie de sauter dans mon camion pour m’en aller. Je restai dans la montagne à regarder le printemps s’installer et transformer mon univers. »
Il n’y a, chez Pete Fromm ni lyrisme, ni philosophie, pas même une vague tendance écolo. Non, juste un chant d’amour simple et spontané à cette nature sauvage, dans sa diversité, sa complexité, sa richesse. Un récit qui m’a enchantée et donné envie d’avoir trente ans de moins pour me lancer dans une aventure semblable.
Traduit de l’américain par Denis Lagae-Devoldère.
Gallmeister / Coll. Totem, 2010 (1e édition 1995). – 238 p.