La clemenza di Tito - Mozart
Jeudi soir, c'était donc mon anniversaire, une excellente raison d'aller à l'Opéra Garnier écouter du Mozart. Cela dit, je conseille à tout le monde se trouver une bonne raison pour aller au moins une fois dans sa vie à l'Opéra Garnier pour écouter un opéra de Mozart. Plaisir assuré !
Donc, jeudi soir j'ai assisté à la représentation de la Clémence de Titus, le dernier et le plus méconnu des opéras de Mozart, ce qui est bien dommage, vu la qualité musicale de l'œuvre et son intérêt philosophique.
L'histoire se déroule à Rome sous le règne de l'empereur Titus, mais le metteur en scène avait bien évidemment fait le choix de la transposer, comme c'est désormais la coutume, dans un lieu et une époque indéterminés. Du décor, je dirai seulement qu'il évoquait la salle d'attente glaciale d'une quelconque administration. De ce vide, il convient, paraît-il, de ne plus s'offusquer puisque le XXème siècle a élevé la laideur et le kitsch au rang d'oeuvrer d'art, sous la tyrannie de la modernité. Musset disait "qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse", ce qui en matière d'opéra peut se traduire par "qu'importe l'emballage, si la musique est de Mozart".
Donc, au cœur de cette histoire, il y a une méchante, brune, mince et de rose vêtue, comme il se doit. Vitellia veut le pouvoir et complote donc pour épouser l'empereur, mais Titus la dédaigne. La belle, pour se venger, manipule son jeune prétendant Sextus pour qu'il assassine le souverain. Pendant ce temps, Titus est sur le point de faire sa demande en mariage à Servilia ce qui n'arrange pas du tout la jeune fille, qui aime Annius, comme elle le fait très vite savoir à l'empereur. Apprenant que sa rivale ne l'est plus, et reprenant espoir, Vitellia essaie d'arrêter les plans de Sextus, mais il est trop tard…
Il s'agit donc de traîtrise et de pardon dans cette œuvre, bâtie sur l'opposition de deux couples : d'un côté, Servilia l'amoureuse qui refuse le trône par amour, de l'autre, Vitellia prête a tout pour le pouvoir ; d'un côté, Sextus traître par amour, de l'autre, Annius loyal jusqu'à l'absurde. Et au centre : Titus, figure paternelle et représentation de "l'honnête homme" dans sa version mozartienne : juste, bienveillant, généreux et clément.
La musique de Mozart est toujours aussi merveilleuse : une cascade de notes qui ruissellent ou qui s'envolent, portées par des voix à vous donner des frissons, avec une mention spéciale à Elina Garanca qui interprète Sextus (dans cet opéra, les rôles des jeunes hommes sont interprétés par des femmes) et Anna Caterina Antonacci qui joue le rôle de Vitellia ; les interprètes étant portés par une direction d'orchestre toute mozartienne : aussi nerveuse que légère, et une mise en scène idéale : discrète et efficace (c'est à dire invisible).
Une excellente soirée, donc. A un détail près. J'aimerais qu'on m'explique pourquoi la méchante est belle, sensuelle, et porte une ravissante robe au décolleté plongeant, alors que la gentille amoureuse est habillée comme une petite fille avec un col Claudine, des talons plats et des tresses dans les cheveux. C'est pas un peu bientôt fini, ces clichés du XIXe siècle ?
Opéra seria en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart,
Livret de Pietro Metastasio,
Direction musicale de Gustav Kuhn,
Mise en scène de Ursel et Karl-Ernst Herrmann,
Décor et costumes de Karl-Ernst Herrmann.