Le demi-frère - Lars Saabye Christensen
Ce gros roman, c’est tout ce que j’aime : une histoire où l’imagination flambe, des personnages attachants et complexes, un style qui confine souvent au poétique et, surtout, une recherche constante de sens. Ouvrir ce pavé de 900 pages, c’est partir en croisière pour un long et merveilleux voyage avec la famille Nielsen, dans les pays du Nord.
Le héros de cette histoire s’appelle Barnum et ce n’est pas un prénom facile à porter à Oslo dans les années soixante. En plus, Barnum a un léger handicap : il est petit, vraiment petit, plus petit que la moyenne, ce qui fait de lui le souffre-douleur de ses camarades. Barnum se sent exclu,seul, différent. D’autant plus différent qu’il a bien conscience de faire partie d’une famille pour le moins originale. Une famille qui fut longtemps une famille de femmes : La Vieille, la grand-mère, Boletta, la mère et Véra, la fille. Dans cette famille, les hommes ne font que passer, le temps de faire un enfant. Jusqu’au jour où Véra met au monde un garçon, Fred, qui interrompt cette longue lignée féminine. Bientôt se présente pour Véra un fiancé, qui va très vite devenir un mari et un père. C’est comme ça que Barnum entre en scène. Et c’est Barnum qui raconte l’histoire de son extravagante famille, parce que Barnum passe son temps à rêver, pour construire un monde où il ne serait plus le plus petit. Et il s’en passe des choses dans cette famille baroque : anecdotes tragiques, comiques, fantaisistes. Tout le monde a sa propre histoire dans cette famille qui ne ressemble à aucune autre, même les objets : la pendule, les chaussures, la valise, l’appareil photo.
Et toute l’histoire est traversée par la figure ambiguë et emblématique du demi-frère, un garçon taciturne et plein de violence. Il y a entre les deux frères un lien ambivalent, mélange d’amour et de haine, d’admiration et de crainte, de protection et de tyrannie.
Le tout donne un roman magnifique. C'est beau, on rit, on pleure et on ne s'ennuie à aucun moment. Un de mes grands coups de coeur de l'année.
Les critiques de Cuné et de Chimère
Traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud.
Le Livre de poche - 2004 - 918 p.