Un pied au paradis - Ron Rash
Rentrée littéraire 2009
Caroline du Sud, années 50. Dans le comté d'Oconee, c'est une année de sécheresse : le maïs sèche sur pieds, les esprits s'échauffent et la tension monte. Holland Winchester , vétéran de la guerre de Corée et mauvais garçon patenté, fait du tapage au bar du village, puis disparaît dans la nature. Sa vieille mère est persuadée qu'il a été abattu par son voisin, Billy Holcombe. Holland tournait autour de la jolie Amy Holcombe. Le shérif Will Alexander interroge Billy. Il est assez rapidement convaincu de sa culpabilité, mais sans cadavre, pas de meurtre.
Ce roman très noir décrit un monde en train de mourir. La vallée de Jocassee est condamnée par la construction prochaine d'un barrage, et c'est la disparition annoncée du monde rural. Le shérif, lui même fils de fermier, a déjà fait le choix des études universitaires et de la vie citadine, choix qu'on ne cesse de lui reprocher, pourtant il n'a pas obtenu de la vie autant qu'il en attendait. Il sait déjà, lui, que le progrès n'est pas forcément synonyme de bonheur. Mais la figure centrale de ce roman reste Billy Holcombe, véritable héros de tragédie. Fils d'un modeste métayer Billy a été le seul enfant du village à être frappé par la polio. Plus tard, à force de travail et de ténacité, il réussit à acheter 20 arpents de bonne terre, devenant le premier propriétaire de sa famille. Il épouse la jolie Amy, mais ne parvient pas à lui faire un enfant. Et il s'épuise à cultiver une ferme condamnée à disparaître sous cent mètres d'eau.
On compare souvent Ron Rash à Larry Brown ou à Cormac McCarthy, mais j'ai surtout pensé à Faulkner dans la description de cette rude vie rurale, de cet été brûlant et de ce monde fruste où règne encore la peur des sorcières, la magie des herbes et la certitude de la punition divine. Un drame presque banal, sans bons ni méchants, se joue et il nous est raconté tour à tour par cinq voix : le shérif, Billy, Amy, leur fils Isaac, et l'adjoint du shérif. Cinq points de vue, cinq langages différents reconstituent une histoire tristement humaine et marquée par le destin.
L'avis d'Emeraude
Traduit de l’américain par Isabelle Reinharez
Le Masque, 2009. — 350 p.