Bérénice - Jean Racine
J'aime beaucoup les premières fois (qui se font de plus en plus rares...) et hier soir j'ai eu la chance de cumuler deux premières fois d'un coup : première fois, en effet, que j'allais au Théâtre des Bouffes du Nord, qui se trouve pourtant à deux pas de chez moi, et première fois que je voyais sur scène Bérénice de Racine.
Le théâtre des Bouffes du Nord est un ravissant petit théâtre circulaire, surmonté d'une coupole vitrée, qui possède la particularité de ne pas avoir de scène. Le plateau se trouve donc au niveau du sol et le parterre est en fait un gradin hémisphèrique. Les spectateurs des premiers rangs sont donc au coeur du spectacle. J'ai ainsi passé deux heures à quelques mètres du magnifique Lambert Wilson qui joue le rôle de Titus. C'est également Lambert Wilson qui assurait la mise en scène de cette pièce dont il déclare qu'elle est "la quintessence du théâtre", phrase que je ne suis pas sûre de comprendre...
L'intrigue de la pièce est minimale : Titus aime Bérénice, Bérénice aime Titus et tout le peuple de Rome ne bruisse que d'une seule rumeur : à quand le mariage ? Ca vous rappelle quelque chose ? C'est normal, la tragédie classique transcende les siècles et témoigne d'une modernité à toute épreuve.
Depuis cinq ans,Titus aime donc Bérénice, reine de Judée, qui a quitté sa Palestine natale pour le suivre à Rome. Par la mort de son père, Vespasien, Titus vient d'accèder au trône de l'empire romain et détient désormais tous les pouvoirs. Tous ? Pas si sûr. Le peuple de Rome déteste Bérénice, l'étrangère. Titus s'adresse alors à son fidèle conseiller Paulin. La réponse de celui-ci est sans appel : Titus ne peut épouser Bérénice, la loi de Rome s'y oppose et le peuple ne le tolérerait pas. Voici donc Titus face à un dilemme cornélien racinien : Rome ou Bérénice, l'amour ou la gloire, la passion ou le devoir ?
Le thème de la pièce est passionnant et le texte de Racine sublime. Face à un Lambert Wilson impérial et hiératique, Carole Bouquet incarne une Bérénice marmoréenne et émouvante. Pourquoi alors cette déchirante histoire de séparation amoureuse n'a-t-elle su me toucher ? Parce que les deux protagonistes me sont tous les deux antipathiques : Titus, d'une lâcheté incroyable, n'ose même pas dire lui-même à Bérénice qu'il la quitte et envoie à sa place un ancien amant : le comble de la goujaterie ! Quant à Bérénice, elle est quand même très arrogante et très chieuse, harcelant son amant d'une scène à chaque acte... Seul Antiochius, l'amant éconduit, m'a vraiment émue.
Il y eut quand même un très beau moment d'émotion dans ce spectacle au moment du salut des acteurs, quand Lambert Wilson a pris la main de son père, Georges Wilson (très âgé mais à la diction toujours parfaite) pour le conduire à l'avant scène : merveilleux moment de connivence, d'amour et de complicité entre un père et un fils, qui m'a mis les larmes aux yeux...
Théâtre des Bouffes du Nord,
jusqu'au 23 mers 2008.
Mise en scène de Lambert Wilson,
avec Lambert Wilson, Carole Bouquet, Georges Wilson, Fabrice Michel.
Durée : 2h10.