La petite fille qui aimait trop les allumettes - Gaétan Soucy

Publié le par Papillon

Dans un grand domaine laissé à l’abandon, deux enfants vivent avec leur  père une vie à l’écart du monde. Le père est à la fois Dieu et maître, détenant le pouvoir et la connaissance, édictant des règles strictes que tout le monde doit suivre. Les enfants ne connaissent rien d’autre du monde que ce qu’ils découvrent dans les livres de la bibliothèque, apprenant à lire dans les mémoires de Saint-Simon et l’Ethique de Spinoza. Un matin, les deux enfants découvrent leur père pendu dans sa chambre. Ce décès bouleverse leur monde, le monde. Comment vont-ils y faire face ?

« C’est horrible comme c’est beau » : cette phrase résume parfaitement ce roman qui ne ressemble à aucun autre. Le style de l’auteur est une merveille parce qu’il réinvente complètement la langue : « Ce n’est pas rendre service à la parole que de frayer avec des mots qui branlent du manche après la cognée. » Il crée ainsi une atmosphère qui, sans être franchement fantastique, donne au lecteur un sentiment d’irréalité et d’atemporalité. Nous ne sommes plus dans un roman mais dans un conte, qui peut se lire à plusieurs niveaux, et n’est pas dénué d’un humour sombre.

C’est d’abord une histoire universelle : à la mort du père, la famille éclate, chacun doit réinvestir le monde, trouver sa propre identité et un nouveau sens à sa vie. Et c’est aussi une histoire de famille : pourquoi ces gens vivent-ils dans un tel isolement ? Les secrets de famille nous sont dévoilés pas à pas, au fur à mesure justement que le jeune narrateur se réapproprie son passé et ses souvenirs. Nous découvrons ainsi (avec horreur, en ce qui me concerne) à quel point ces enfants ont grandi dans l’ignorance. C’est alors que le conte philosophique se profile à l’horizon…Dieu est mort, léguant aux humains un poignant sentiment de culpabilité. Privés de la religion, les hommes découvrent l’angoisse d’être mortel, mais aussi la liberté, le désir, la connaissance…

C’est un livre étrange, déroutant, dérangeant, mais que l’on a envie de relire aussitôt terminé parce qu’une seule lecture ne suffit pas pour en découvrir tous les mystères, tous les méandres, toutes les implications…


Boréal, 1998. – 180 p.
 

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A
Un des romans les plus marquants de ma vie de lectrice ! (et comme j'ai une sœur jumelle, il y a des passages qui m'ont particulièrement percutée !). J'en ai lu un autre, je me demande si ce n'était pas "l'acquittement", je n'ai pas du tout retrouvé la force et l'intérêt de celui-ci.
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P
Très beau roman, en effet, et très marquant. Pour moi, c'est vraiment un chef d'oeuvre de la littérature québécoise.
F
Leurs styles sont tellement différents que c'est d'autant plus difficile de les départager.  Mais tu as raison, ces trois autres auteurs sont aussi excellents!
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F
Ah oui, il ne faut surtout pas passer à côté de ce roman!  C'est un bijou!  Et comme tu le dis si bien Papillon, dès qu'on referme la dernière page, on a envie de tout reprendre depuis le début tellement il peut prendre différents sens.  À mon avis, c'est l'un des meilleurs titres de la littérature québécoise.
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P
J'aurais quand même du mal à départager Soucy de Trudel, Poulin ou Tremblay... ;-)
Y
Le thème du livre me tente vraiment beaucoup et j'en ai déjà lu beaucoup de bien, décidément il faut que je me le trouve :-)
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M
Rdv, au centième grain de sable à gauche ...Très jolie banière de saison ! quoique !
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P
Je pratique la méthode Coué : c'est l'été, c'est l'été, c'est l'été !!!!
E
Puisque tu as aimé ce titre de Gaétan Soucy, du même auteur, je te conseille fortement "L'acquittement" et surtout "L'immaculé conception". Romans moins étranges mais aux ambiances très fortes comme il en a le secret.  
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P
Merci pour les conseils ! Je vais essayer de les trouver. Gaétan Soucy a de la chance : il est publié en France.
B
Et bien quel enthousiasme !
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P
Oui mais je ne crois pas que ça te plairait, Bellesahi...
F
Ta bannière est magnifique, ça donne envie de partir en vacances ! Je note ce livre car ton enthousiasme me dit que c'est un beau livre ! ;-)
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P
Merci Florinette ! Effectivement, je commence à préparer les vacances, c'est toujours un bon moment !
T
OH, la belle plage ! Ca donne envie de partir ! Quant aux allumettes, on m'a toujours dit qu'il ne fallait pas s'y frotter ! Je passe, l'ambiance ne m'attire pas, a priori, malgré ton article convaincant !
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P
Tu as raison, Tamara, je ne suis pas sûre que ce roman te plairait d'après ce que je sais de tes goûts...
A
"C'est horrible comment c'est beau": mais c'est une formule ensorcelante ça! Contre ma volonté, j'ai pris papier/crayon et ai noté ce titre en gros dans ma LAL! Tu étais déjà un démon tentateur, là tu deviens un démon envouteur ;-(
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P
J'espère que tu le trouveras Anne et que tu laimeras...