Voyage d'une parisienne à Lhassa - Alexandra David-Neel
Au rang des célèbres femmes voyageuses, Alexandra David-Neel fait figure à la fois de pionnière et d'aventurière. Pionnière parce qu'elle fut l'une des premières à quitter son confort bourgeois pour se jeter sur les routes du monde ; aventurière parce qu'elle fut la toute première occidentale à entrer dans la mythique capitale tibétaine.
La maladie du voyage frappa très tôt cette jeune femme d'origine belge qui passa son enfance à fuguer. Elle fut également sensible très jeune à la spiritualité orientale. Convertie au bouddhisme, elle devint une orientaliste reconnue. C'est sa double quête de voyage et de sagesse bouddhiste qui la mène en Inde pour un séjour qui devait durer un ou deux ans et la tint en fait éloignée d'Europe pendant quatorze ans.
A plusieurs reprises, elle tente d'entrer au Tibet ; elle est, à chaque fois, refoulée. Le Tibet des années vingt est sous le contrôle des Anglais qui ferment les frontières à tous les étrangers. Mais Alexandra David-Neel ne se décourage pas. En 1923, elle décide de faire une nouvelle tentative en partant de Chine, car la frontière sino-tibétaine est la moins surveilléé. Déguisée en mendiante et accompagnée de son fils adoptif, le lama Yongchen, Alexandra David-Neel parvient à entrer au Tibet clandestinement et à pieds.
Pour ne pas se faire remarquer, les deux voyageurs marchent la nuit et se cachent le jour, en évitant les villages et tout ce qui ressemble à un représentant de l'administration. Lorsqu'ils sont entrés suffisamment loin dans le pays, ils commencent à voyager comme de vrais pélerins tibétains, en demandant l'hospitalité, ce qui leur fournit l'occasion de rencontres plus ou moins agréables et d'anecdotes savoureuses. Choisissant toujours les routes les plus isolées, les deux voyageurs vont parfois se mettre en danger dans des régions très montagneuses (le plateau tibétain culmine à plus de 5000m d'altitude), infestées de brigands, alors que la neige rend les chemins impraticables et l'accès aux villages (et donc à la nourriture) difficile. Finalement, Alexandra David-Neel réussira à atteindre la ville de Lhassa et à y passer deux mois dans le plus complet anonymat.
Malgré son intérêt historique et l'admiration que je porte à une femme capable de voyager des conditions aussi spartiates, ce livre m'a laissée un peu sur ma faim. D'abord il démarre de façon abrupte, in media res, alors que l'auteur se débarrasse de ses serviteurs chinois avant de traverser la frontière. Il m'a fallu un moment avant de situer le lieu où elle se trouve : le Sichuan chinois.
Ensuite, la première partie du voyage est assez monotone : on marche la nuit, on dort le jour, on marche, on dort, de temps en temps on mange (frugalement), parfois on se fait un thé (si on parvient à trouver un point d'eau), on marche et on marche encore. Ce n'est que dans la seconde partie que le voyage devient intéressant quand les rencontres se multiplient et permettent au lecteur d'appréhender ce que fut le Tibet du début du XXe siècle : un pays rude et pauvre, fruste et pieux.
Alexandra David-Neel n'a pas vraiment de style, même si elle sait écrire, et il n'y a pas chez elle de ces belles envolées lyriques qui m'avaient tant emballée chez Ella Maillart. L'auteur s'intéresse assez peu aux paysages, sauf dans leur aspect purement géographique, et assez peu aux gens aussi, finalement. Elle n'est portée que par son objectif d'atteindre Lhassa. En revanche, elle montre un détachement réellement étonnant (et très bouddhiste) face aux vicissitudes du voyage et aux embarras matériels.
Il n'en reste pas moins qu'elle a réussi un exploit et que ce livre est un vrai classique de la littérature de voyage, pour les amateurs du genre. Il nous montre, en plus, que l'on peut réellement voyager très loin, avec très peu.
Pocket, 2008. - 372 p.