Sukkwan Island - David Vann
Un homme et son fils s'installent sur une île perdue en Alaska pour y passer une année dans un chalet rustique. Père et fils ne se connaissent pas très bien, le père est divorcé depuis longtemps et le fils vit en Californie avec sa mère. Ils débarquent avec des provisions, des armes, des outils et une radio. Le père prévoit de vivre de la chasse et de la pêche, et de fumer viande et poisson. Mais on découvre vite qu'il n'est pas si bien préparé qu'il l'affirme et qu'il y a beaucoup de choses qu'il n'a pas vraiment anticipées. Dès le troisième jour un ours dévaste leur chalet et ruine leurs provisions. Et on découvre aussi que le père est dépressif, il pleure toutes les nuits, au grand dam de son fils qui ne sait pas comment gérer la situation. Malgré tout, père et fils s'installent tant bien que mal tant leur nouvelle vie, travaillent dur pour accumuler des provisions et préparer l'hiver. Mais les incidents se multiplient et le père commence à perdre les pédales, déversant sur son fils de treize ans ses frustrations et ses échecs. Le gamin se voit confronté à une situation qui le dépasse complètement et on sent bien que le drame est inévitable. Quand il survient, on est presque soulagé. Pas pour longtemps.
Ce roman est l'histoire d'une descente aux enfers et je suis incapable de dire si je l'ai aimé ou pas, tant j'en ai détesté le héros principal qui représente à peu près tout ce que je déteste : un homme lâche, veule, infidèle, immature, irresponsable, sans consistance, qui passe son temps à s'apitoyer sur son sort, sans s'intéresser le moins du monde à un gamin qu'il a entraîné dans une expérience plus que limite. Le père a rêvé de cette aventure dans la nature sauvage, comme le début d'une nouvelle vie, susceptible de mettre fin à une longue suite d'échecs. Mais sur cette île perdue, il se trouve confronté à lui-même et à sa solitude. On se demande pourquoi il a emmené son fils avec lui, sinon pour fuir cette solitude qu'il ne supporte pas.
"Au lieu de se détendre et d'apprendre à connaître son fils, il s'était uniquement préoccupé de leur survie. Et quand l'heure était venue d'arrêter de stocker de la nourriture, c'est à ce moment qu'il avait été submergé de terreur ; il ne savait pas comment passer l'hiver."
Ce livre m'a bouleversée, remuée, choquée. Rien que d'y penser, j'en ai encore des palpitations. J'ai eu envie de voir ce père écartelé en place publique et dépecé morceau par morceau avec un opinel. Un roman extrêmement fort qui ne laisse en tout cas pas indifférent, et qui m'a littéralement coupé le souffle. Je pense que toute sa force réside dans le style très factuel de David Vann qui ne nous épargne rien.
Un grand merci à Delphine.
Le billet de Stephie, qui vous mènera vers plein d'autres (là, tout de suite, je n'ai pas le courage de faire les liens, j'ai besoin d'un verre de whisky pour me remettre !)
Traduit de l'américain par Laura Derajinski.
Gallmeister, 2010. - 192 p.