Opération Sweet Tooth - Ian McEwan
Serena Frome a une seule passion dans la vie : les livres. Elle aimerait y consacrer ses études, mais se laisse convaincre par sa mère de choisir plutôt les mathématiques, où bien peu de femmes s’illustrent. C’est cependant grâce à son goût pour les livres qu’on lui confie une chronique littéraire dans le journal de l’université, ce qui lui permet d’impressionner Tony Canning, un professeur plus âgé qu’elle, qui va devenir son amant et son mentor. Il la convainc de postuler au MI5, dont il a lui-même fait partie pendant des années.
Nous sommes dans les années 70, en pleine guerre froide, et la Grande-Bretagne croule sous les soucis : terrorisme irlandais, grève des mineurs, premier choc pétrolier, récession économique. Mais Serena découvre que la vie au MI5 n’a rien d’excitant pour une femme, où son boulot est celui d’une secrétaire (en moins bien payé). Heureusement, c’est encore son goût pour les livres qui va inciter son chef à lui confier sa première mission : recruter par le biais d’une fondation indépendante un jeune écrivain talentueux qui écrira (tout à fait librement) des romans d’une bonne tonalité anti-communiste.
C’est curieux ce roman qui commence d'une façon assez languissante avec la vie banale d’une anglaise dans les années 70, et qui devient passionnant à partir de la page 97 quand l’Opération Sweet Tooth est évoquée pour la première fois. Contrairement aux apparences ce n’est pas un roman d’espionnage même s’il est assez réjouissant de découvrir que le MI5, la CIA et les autres officines du même genre ont sponsorisé la culture européenne d’un certain genre pour contrebalancer l’idéologie communiste.
Non, le vrai sujet du roman, c’est la littérature : le rôle de la littérature dans la vie sociale et politique, le rôle de la littérature dans nos vies, la relation entre le lecteur et l’auteur, le processus de la création littérature. J’ai adoré la mise en abyme qui consiste pour Ian McEwan à créer un héros écrivain, à nous donner à lire les nouvelles qu’il a écrites (que j’ai aimées moi qui ne suis pourtant pas fan de nouvelles) et à faire dire à l’héroïne lectrice : « ces nouvelles sont géniales ». Car pour accomplir sa mission, Serena rencontre un jeune auteur, Tom Haley, qui va devenir le second héros de cette histoire, en nous racontant des histoires, justement, et en mettant en perspective la relation à double sens entre le réel et la fiction.
Le roman est parfaitement construit avec ce qu’il faut de mystère, d’érotisme et de duplicité pour en faire un excellent page-turner. Un grand coup de cœur.
Galéa a aimé, Keisha et Clara aussi, Cuné un peu moins.
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon.
Gallimard, 2014. – 437 p.