Le sermon sur la chute de Rome - Jérôme Ferrari
Rentrée littéraire 2012
« Car Dieu n’a fait pour toi qu’un monde périssable. »
En 410, les Wisigoths envahissent Rome, saccagent la ville et massacrent ses habitants. Cet évènement bouleverse toute la chrétienté et inspire à Saint-Augustin un célèbre sermon sur la précarité du monde. Ce drame historique n’est pas le sujet du dernier roman de Jérôme Ferrari, mais lui sert de toile de fond.
Les deux jeunes héros de ce livre, Matthieu et Libero, font des études de philosophie et Libero a justement choisi Augustin comme thème de mémoire. Pourtant, à la fin de leurs études, les deux copains qui sont d’origine corse, décident de reprendre la gérance d’un bar dans un village isolé de leur île natale. C’est le village de leurs parents, ils y connaissent tout le monde et leur projet est de créer un lieu de convivialité, un « lieu idéal ». Ils vont y réussir, jusqu’à ce que tout bascule dans le drame.
Ce que j’aime par-dessus tout chez Jérôme Ferrari, c’est sa plume, que je trouve remarquable et qui me donne l’impression d’entrer dans l’âme des personnages, car il excelle dans l’écriture de l’intériorité. Ce roman est par ailleurs parfaitement construit. En parallèle à la trame principale, l’auteur nous raconte l’histoire de Marcel, le grand-père de Matthieu, né juste après la Grande Guerre et qui toute sa vie a couru après des rêves qui lui ont toujours échappé au moment où il allait les saisir. Est-ce pour prendre sa revanche sur la vie qu’il va aider son petit-fils à lancer son affaire ? Ou, au contraire, nourrit-il un secret espoir de le voir échouer ?
Ma seule réserve sur ce roman est que l’aventure de la reprise de ce bar m’a paru bien peu crédible, une réussite rapide basée sur une trilogie qui a pourtant déjà fait ses preuves : alcool, sexe et soleil. Mais peu importe, au fond. Car toute cette histoire est métaphorique. Comme dans le sermon d’Augustin, Jérôme Ferrari nous rappelle que toute entreprise humaine est vouée dès le départ à sa destruction. En arrière-plan se dessine le destin de l’empire colonial français qui lui aussi s’est effondré dans la douleur et le sang.
Un roman aussi ambitieux que réussi, mais qui laisse un goût de sang dans la bouche ; un roman qui sonne comme un avertissement :
« Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. »
Actes Sud, 2012. – 202 p.