La commissaire n'aime point les vers - Georges Flipo
La commissaire (elle tient beaucoup au la) Viviane Lancier a des soucis. Elle ne digère pas sa dernière rupture amoureuse et assume mal son célibat. Elle n'arrive pas à se débarrasser de ses quelques kilos en trop et accumule les régimes. Mais surtout, un tragique accident l'a privée du meilleur de "ses hommes". Pour le remplacer, on lui envoit un inspecteur débutant, aussi enthousiaste que maladroit. Heureusement il est dôté d'un physique avantageux qui ne laisse pas sa chef indifférente et lui vaut beaucoup d'indulgence. La commissaire lui confie une affaire apparemment banale : l'agression d'un vieux clochard sur les quais. Le jeune Monot (Augustin, de son petit nom) se rue sur la piste comme un chien fou, ne ratant aucune bévue : perte d'indice, dégustation de pièce à conviction et fuites à la presse. Il découvre quand même que le clochard qui se faisait appeler Victor Hugo et nourrissait une admiration sans limite pour le poète, avait dans sa sacoche une oeuvre sans prix : un sonnet inédit (et très érotique) de Baudelaire. Vrai ? Faux ? L'énigme fait soupirer Madame la commissaire qui n'entend rien à la littérature. Elle va être bien obligée de s'y intéreser d'un peu plus près quand tous les protagonistes de l'affaire vont mourir assassinés les uns après les autres...
Autant le précédent roman de Georges Flipo m'avait laissée dubitative, autant celui-ci m'a emballée. On y retrouve l'humour ravageur et la fine plume de l'auteur et je défis quiconque de résister à la tentation du premier chapitre. Cette histoire policière multiplie les personnages atypiques et les situations farfelues. Avoir mis un poème de Baudelaire au centre d'un polar est une idée de génie qui permet de lancer le lecteur sur plein de pistes, en embrouillant tous les fils, et à l'auteur de nous faire une petite lecçon de littérature. Mais le grand charme de cette histoire repose sur le duo improbable que forment la commissaire mûre et expérimentée et le débutant cultivé et subtil. Et ce petit Monot est particulièrement attachant : charmant et ingénu, il va très vite apprendre les ficelles de son métier et se révéler plutôt talentueux. Amateur de littérature, chantant Bach dans une chorale : on voudrait que tous les flics lui ressemblent.
Un petit polar sans prétention mais qui se lit avec beaucoup de plaisir, et qui n'est pas exempt d'une critique acidulée de notre société hypermédiatique.
La Table ronde, 2010. - 297 p.