L'enfant de l'étranger - Alan Hollinghurst
"Il exigeait des souvenirs, trop jeune qu'il était pour savoir que les souvenirs n'étaient que des souvenirs de souvenirs."
Qui était vraiment Cecil Valance, ce jeune poète issu de l'aristocratie et mort pendant la guerre de 14 ? C'est une question que ne cessera de se poser la postérité. En 1913, il avait été invité à passer un week-end dans la famille de son ami Georges Sawle et n'avait pas été indifférent au charme de la jolie Daphné, la soeur de son ami, pour laquelle il écrivit un poème qui devait devenir célèbre. Tout le monde ignorait, bien entendu, que Cecil et Georges étaient amants, un secret sulfureux et bien gardé, et qui le restera longtemps.
Que reste-t-il de nos vies quand les années ont passé ? Tel est l'enjeu de ce livre. Peut-on vraiment découvrir la quintessence d'une vie dans les souvenirs des survivants ? Il y a ceux qui savent et ne diront rien, ceux qui n'ont rien compris et ceux qui préfèrent oublier. Pourtant, dans les années trente, soixante, quatre-vingt et deux mille, de jeunes hommes vont se pencher tour à tour sur la vie de Cecil Valance pour en dévoiler les secrets et en révéler les mystères.
La plume ciselée d'Alan Hollinghurst est absolument remarquable, et il est bien difficile de ne pas penser à EM Forster et à Stefan Zweig, tant pour la précision du détail que pour l'analyse psychologique, dans cette histoire où il est beaucoup question de la confusion des sentiments, dans une époque où le coeur et le sexe ne vont pas toujours de pair. Ce que raconte Alan Hollinghurst, dans un mélange savoureux d'humour, de causticité et de libertinage, et sur fond de délabrement de l'aristocratie britannique, c'est comment le point de vue de la société sur l'homosexualité a évolué depuis un siècle : du tabou absolu à la revendication, des étreintes furtives au fond des bois au mariage pour tous.
Un roman drôle et passionnant, en forme de quête, où les femmes n'ont pas le beau rôle.
Traduit de l'anglais par Bernard Turle,
Albin Michel, 2013. - 725 p.