Il faut qu'on parle de Kevin - Lionel Shriver

Publié le par Papillon

Eva n’avait pas vraiment rêvé d’être mère. Créatrice d’une collection de guides de voyages, elle gagnait très bien sa vie, voyageait à travers le monde, vivait à New-York et aimait beaucoup sortir en amoureux avec son mari. A trente ans largement passés, elle s’était interrogée sur la nécessité / le besoin / l’importance d’avoir un enfant. Finalement, elle avait sauté le pas, moins par désir personnel que par souci de faire plaisir à son mari. C’est comme ça que Kevin est né.

Seize ans plus tard, Kevin est entré au lycée un matin avec une arme et a froidement assassiné sept de ses camarades de classe et deux adultes. Alors Eva entreprend de raconter le parcours de son fils dans une correspondance adressée à son mari dont elle est désormais séparée. Entre Eva et Kevin tout a mal commencé. La jeune femme a mal supporté la grossesse et ses inconvénients ; après l’accouchement, elle n’a pas la révélation qu’elle espérait et n’éprouve pas de tendresse particulière pour ce bébé braillard, qui fait pourtant la joie de son mari. Kevin se révèle très vite un enfant difficile qui fait fuir les baby-sitters, désespère les enseignantes, un enfant qu’on invite une fois, mais rarement deux. Entre Kevin et Eva, ça va très vite être la guerre, une guerre impitoyable et sanglante.

Tout le récit d’Eva tend à répondre à cette question : est-elle une mauvaise mère, est-ce son manque d’affection pour son fils qui est à l’origine de la catastrophe ? Mais à travers son récit, c’est l’image d’un monstre qui apparaît : un enfant méchant, sournois, qui ne s’intéresse à rien et n’a aucun désir.

Ce roman, qui nous plonge au cœur d’un cauchemar, contient une virulente critique de la société américaine normative, castratrice et procédurière, où s’écarter un tant soit peu de la ligne blanche vous condamne soit à vous retrouver au tribunal, soit à passer pour un déséquilibré ; une société qui est pourtant incapable d’empêcher des adolescents issus de milieux aisés de massacrer leurs camarades ; une société qui a besoin de trouver un responsable à chacun de ses dysfonctionnements, dans une tentative névrotique de nier le naufrage absolu du rêve américain, de même que le père de Kevin refuse de voir la vraie personnalité de son fils, pour ne pas mettre en péril son mythe personnel de l’enfant parfait.

Et pourtant cette histoire (dont le style alambiqué m’a beaucoup dérangée) ne m’a pas vraiment touchée parce que, comme trop souvent dans les romans américains, tout y est excessif, jusqu’à la nausée : l’accouchement qui dure vingt-sept heures, un bébé qui refuse tout de suite le sein de sa mère, qui hurle quand il est avec elle, alors qu’il ronronne dans les bras de son père, un enfant qui accumule les méchancetés et semble avoir une haine toute particulière vis à vis de sa mère, qui avant même d’avoir six ans élabore des plans machiavéliques pour détruire tout ce qu’elle aime, etc… Je ne crois pas qu’un enfant naisse psychopathe.

Traduit de l’américain par Françoise Cartano.
Belfond, 2006. – 486 p.

L'avis plus enthousiaste de Turquoise et d'Eric.

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R
<br /> <br /> Je ne suis pas du même avis que vous, j'ai adoré ce roman. Mais je suis on ne peut plus admirative de votre critique et de votre formulation. Aussi, me suis-je permise de vous citer en rédigeant<br /> la mienne... Si cela vous déplaisait, n'hésitez bien sûr pas à me le faire savoir...<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Oui, ce roman a beaucoup plu et je suis une des rares à l'avoir trouvé un rien excessif !<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je viens de le terminer, et moi non plus je ne crois pas qu'un enfant naisse "evil". Malgré tout, j'ai trouvé le roman très bon, et je l'ai lu avec une mise en perspective des paroles de la mère: peut-on faire confiance à cette femme, qui n'aime pas son enfant? Vu sous cet angle, je pense que les "too mucheries" que tu évoques prennent une autre dimension... En tout cas, je crois que c'est un roman qui interroge beaucoup les relations maternelles, c'est en tout cas comme ça que je l'ai ressenti.
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P
<br /> La mère aussi m'a parue excessive, dans ses rapports avec son fils, surtout quand il est tout petit... Mais le roman garde un intérêt dans ce qu'il montre de<br /> l'Amerique d'aujourd'hui et de ce phénomèn des enfants tueurs...<br /> <br /> <br />
B
Pour ma part j'ai adoré ce livre......il m'a retourné, le style y est correct, mais au delà c'est une histoire d'amour qui en ressort, certe il nous laisse mal à l'aise, nous pose les questions essentielles sur la maternité.....à savoir faisons nous tous ce qu'il faut et quand il le faut pour nos enfants.<br /> Bref à mon avis c'est un livre à lire.
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P
Comme je le dis dans ma critique, je l'ai trouvé trop excessif. Dès le début kevin y est présenté comme un petit monstre et ça m'a beaucoup génée. Je n'y ai pas du tout vu une histoire d'amour.
F
J'étais très intéressée par le sujet mais je n'ai pas réussi à finir ce livre. J'ai été complètement réfractaire au style, dommage...
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P
Ca ne m'étonne pas du tout, Finette ! J'ai failli abandonner à mi-chemin.
T
Bon, ben... non, alors ! J'adore ta dernière phrase "je ne pense pas que les enfants naissent psychopathes" !
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A
J'avais un a piori pour ce récit qui correspondant à tout ce que tu en dis! J'ai déjà pas le temps de lire tout ce je voudrai, alors je n'encombre pas ma LAL de ce titre.
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E
Il est dans ma pal!! J'hésite un peu à le lire finalement, mais je pense que je vais le tenter tout de même!! En tout cas, il ne laisse pas indifférent!!
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P
En tout cas, je lirai ton avis avec plaisir.
F
Je reste quand même persuadée que ce roman est à lire, qu'il diffère des autres et rien que pour cela je tenterais bien l'expérience ! ;-)
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P
C'est  sûr que le sujet n'est pas banal.
P
ah génial, j'hésitais sur ce livre... je n'hésite plus<br /> Merci Journal d'une lectrice !
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Ã
Non, lisez-le! Je comprends tout de même l'avis de Papillon. Ça dépend comment le lecteur perçoit le regard de cette mère et c'est ce qui est intéressant dans la narration de Lionel Shriver. Elle permet de se positionner différemment selon ce que nous sommes. La forme épistolaire à une seule voix est tout à fait justifiée (et vient justifier tout le propos de cette mère, donc du livre) et réserve de grandes surprises à la fin.  Ça vaut le coup d'essayer. S'il-vous plaît!  (En passant, merci pour le lien :-)
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P
En arrivant à la fin, j'ai trouvé d'ailleurs que la surprise finale démontait una partie de la narration de la mère.... Et je répète : le personnage de Kevin est beaucoup trop exagéré dans ses outrances pour être crédible et ses parents représentent aussi deux points de vue trop antinoniques et sans nuance...