Le carnet d'or - Doris Lessing
Ce roman n'est pas un roman au sens classique du terme, car pour Doris Lessing, la littérature doit avoir une portée sociale : il ne s'agit pas seulement de raconter une histoire, mais de transmettre une expérience. Ce roman a donc une structure très particulière. D'u côté, Le carnet d'or raconte une histoire intitulée "Femmes libres" qui met en scène deux amies, Anna et Molly, vivant à Londres dans les années cinquante et qui ont des vies très semblables : toutes deux sont artistes, communistes et élèvent seules un enfant, ce qui, à l'époque, en fait des marginales.
L'histoire commence comme une pièce de théâtre et montre les deux amies préoccupées par Tommy, le fils de Molly, un adolescent sans désir et sans volonté qui ne sait que faire de sa vie. Par ailleurs, l'auteur nous donne à lire les carnets d'Anna. Car Anna, écrivaine, a renoncé à écrire des romans mais couche sa vie et ses expériences dans quatre carnets, chacun étant réservé à une facette de sa personnalité : l'écrivain, la communiste, la femme amoureuse, l'Anna intime.
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans l'histoire, ou plutôt dans les histoires, puisque les anecdotes se succèdent, chacune avec son atmosphère particulière, et on se demande sans cesse : "Où cela va-t-il nous mener ?". Et puis, sans vraiment m'en rendre compte, je me suis laissée embarquer dans la vaste toile que tissent toutes les vies d'Anna. Anna a une écriture très analytique : elle se regarde vivre et interroge chacun de ses comportements. C'est parfois très fastidieux de la lire.
On finit par comprendre qu'Anna traverse une période de sa vie qui est cruciale, pleine de bouleversements. Et ces bouleversements sont à l'image de la société dans laquelle elle vit, où tous les repères changent, où le statut de la femme est en pleine mutation. Anna est une mère célibataire, qui crée un rapport nouveau avec les hommes. Ce n'est pas une situation facile. Elle aimerait se marier, "comme toutes les femmes", dit-elle. Elle voudrait être aimée. Elle vit très mal d'avoir été abandonnée par son amant. Elle pense qu'il est important d'être engagé dans la vie politique, d'avoir un regard critique sur le monde, mais elle se rend compte que le communisme n'est plus la solution. Elle a écrit un roman qui est devenu un best-seller et lui a rapporté beaucoup d'argent, ce dont elle éprouve une telle culpabilité qu'elle ne peut plus écrire. Elle se rend compte par l'intermédiaire de la réflexion qu'elle mène sur elle dans ses carnets qu'elle a échoué dans tous les domaines de sa vie, ce qui cause chez elle une grave dépression.
En fait, Anna traverse ce que les américains appellent la « middle-life crisis », cette période de la vie, où il faut renoncer à pas mal de ses illusions de jeunesse. Anna finira par s’en sortir, mais le lecteur en sort physiquement épuisé tant cette écriture analytique est déroutante et semble tourner dans un cercle infernal.
Est-ce qu’il faut vraiment s’approcher si près de la folie pour devenir soi-même ? Je n’en suis pas convaincue.
Traduit de l'anglais par Marianne Véron.
Albin Michel – 1976 – 612 p.