Matthew Pearl - Le cercle de Dante
Boston, 1865. L’Amérique sort meurtrie de la Guerre de Sécession. Quatre hommes, érudits et poètes, ont entrepris de traduire La Divine Comédie de Dante en américain. Cette entreprise rencontre une farouche opposition de la part des professeurs de Harvard, qui ne reconnaissent que la culture classique gréco-romaine ou la littérature strictement américaine. Or, Dante est catholique et il écrit en italien, une langue vivante, donc vulgaire. Son œuvre est jugée « immorale et irréligieuse ».
Survient un meurtre : un juge de la Cour Suprême est retrouvé assassiné au fond de son jardin. Son corps nu est recouvert de larves d’insectes. Ce meurtre est bientôt suivi d’un second, qui laisse la police perplexe. Mais pas les amis du Cercle de Dante, qui comprennent très vite que ces meurtres sont directement inspirés de L’Enfer de Dante. Eux seuls, de par leur connaissance parfaite de l’œuvre du poète italien, sont à même de trouver l’assassin. Voilà donc les quatre poètes qui se transforment en détectives…
Il s’agit d’un policier atypique. Nous sommes au 19e siècle, donc il n’est pas question ici d’empreintes digitales ou d’analyses ADN. Seul le raisonnement intellectuel doit permettre de trouver la solution. Ce qui n’empêche pas les quatre poètes d’aller chercher des indices sur le terrain, ce qui réserve au lecteur quelques scènes cocasses… Le style de l’auteur est très littéraire mais il fait parfaitement revivre l’atmosphère du Boston de ces années-là. Ses quatre détectives sont des personnages historiques, qui ont réellement créé le Club Dante. J’ai beaucoup aimé le talent avec lequel l’auteur les fait vivre sous nos yeux, comme des personnes réelles. Chacun a sa propre personnalité : Longfellow, le poète solitaire et secret ; Lowell, l’homme d’action ; Holmes, le médecin pragmatique, toujours en proie au doute ; et Fields, le fidèle éditeur. L’intrigue est très bien menée, le lecteur s’égare avec les quatre hommes de fausse piste en fausse piste et, à aucun moment, il ne soupçonne la vérité.
Mais ce roman est avant tout un vibrant hommage à Dante et à son œuvre. Il met en scène non seulement l’éternelle querelle des Anciens et des Modernes, mais surtout il illustre la censure que l’université et la culture officielle ont longtemps opposée à toute idée nouvelle qui remet en cause une certaine vision du monde. Ainsi, l’auteur nous fait assister à un autodafé sur le campus de Harvard, où de doctes professeurs aux cheveux blancs brûlent allègrement des livres jugés dangereux, dont la Théorie des espèces de Charles Darwin…
Traduit de l'américain par Viviane Mikhalkov.
Robert Laffont, 2004 - 405 p.