Jim Harrison - L'été où il faillit mourir

Publié le par Papillon

Ce livre contient trois novellas ou longues nouvelles, un genre dans lequel Harrison excelle. Dans la première, qui donne son titre au livre, le lecteur retrouve Chien Brun, un personnage rencontré dans En route vers l’Ouest. Chien Brun est un métis indien, paresseux, buveur, menteur, dragueur, qui a le don de se mettre dans des situations impossibles. Pour se sortir d’ennuis judiciaires, il a été contraint à un curieux mariage et se retrouve ainsi père adoptif de deux enfants, Red et Baie. Et voilà comment sa vie a changé. Dorénavant, Chien Brun travaille presque régulièrement, apprend à cuisiner, et dit adieu à son aimable vagabondage. Mais il aime toujours la pêche, l’alcool et les femmes. Cet été-là, il est frappé par une violent rage de dents et c’est avec beaucoup d’humour que Jim Harrison nous narre ses aventures tragiques et comiques : sa liaison avec une dentiste obsédée par le sexe, son amour platonique pour son assistance sociale lesbienne, et surtout la façon dont Chien Brun va mettre en péril le fragile équilibre de sa vie pour sauver Baie, une petite fille différente parce que souffrant du syndrome d’alcoolisme de la mère enceinte. La seconde nouvelle, Epouses républicaines, met en scène trois femmes riches. Elles parlent à tour de rôle pour nous raconter comment l’une d’elles a tenté de tuer son amant, un écrivain gauchiste prétentieux, qui fut aussi l’amant des deux autres. A travers cet épisode tragicomique, c’est le vide de leur vie qui transparaît, et le dégoût de l’auteur pour une certaine Amérique, qui s’est éloignée de ses valeurs fondatrices. Le dernier texte est un récit autobiographique qui reprend sous une forme brève et à la troisième personne le contenu de En marge.

Ces trois textes sont de style très différents mais ont en commun d’avoir en toile de fond plus ou moins fortement dessinée, la péninsule du Nord Michigan, dont Jim Harrison est lui-même originaire et qui fait figure à ses yeux de terre promise. Dans les trois textes, il est question à un moment ou un autre d’un petit serpent noir, de la pêche à la truite et de la cueillette des morilles.

C’est le premier récit que j’ai préféré car Harrison excelle quand il parle de la vie dans la nature et de la vie simple, et Chien Brun est une sorte de double littéraire de l’auteur, brave gars, malgré tous ses défauts, chez qui l’amour l’emporte. Mais tout est bon chez Jim Harrison, donc ce recueil se lit d’une traite et avec beaucoup de plaisir.

Trad. de l’américain par Brice Matthieussent.
Christian Bourgois éditeur, 2006. – 324 p.

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C
Même si j'aime entendre parler dans des termes flatteurs de Jim Harrison, un auteur que j'affectionne particulièrement, je ne suis pas sûr d'adhérer à votre perception de Chien Brun. C'est un peu rapide de le décrire comme un brave gars, menteur, voleur, alcoolique, etc. Il est très très juste de dire que Chien Brun est un double d'Harrison, comme le sont toutes les sortes de rednecks de ses récits. Et en bons doubles de l'auteur, il me semble qu'il est nécessaire d'énoncer au moins deux traits principaux de ces personnages. (N.B. : je ne prétends pas connaître l'auteur mieux qu'un autre, mais à partir de mes lectures et des éléments trouvés à son propos, je me permets cette analyse.)  D'abord, ils sont populaires dans leur fonctionnement et issus d'un auteur qui a fait partie de l'intelligentsia new-yorkaise : ils sont donc empreints d'un bon sens très aiguisé. 2 : ils veulent percevoir - et se rendent - la vie profondément précaire. Ainsi, rejettent-ils ou font-ils l'objet du rejet (selon les épisodes de leurs vies) de la société américaine infidèle - comme vous le disiez bien - à son idéal originel. En conséquence, ces personnages qui ne font qu'un, sont très dignement humains et dignement américains, répondant à leurs pulsions en vertu d'un idéal de liberté en voie de disparition. Ils sont proches d'un état naturel, ils ont réussi l'entente entre ceux qui se revendiquent comme Anishibabe et les blancs, ils sont l'incarnation d'une vie totalement libérale... des homo americanus tels qu'on ne peut que le fantasmer tant il paraît vraisemblable que cet homme n'ait existé qu'en marge de l'Amérique réelle ou dans la pensée qui a présidé au forgeage de l'idéal américain. Je me permets de suggérer quelques lectures : Chien Brun apparaît dans une nouvelle du volume Légendes d'automne ainsi que La femme aux lucioles. Un personnage très proche raconte sa vie dans Wolf.   Espérant ne pas passer pour un ayatollah, 
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M
Un auteur que j'ai découvert avec "La route du retour", livre qui m'a laissé une belle emprunte puisque je l'ai lu il y a quelques années déjà et que je relirai bien volontiers. Je commence à peine celui cité sur votre blog que j'ai découvert au hasard, en faisant des recherches sur l'auteur. Du coup, je vous ai mis dans mes favoris Internet. Amicalement.
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P
<br /> Merci Mamielilou ! Harrison est un des mes auteurs fétiches. J'ai aimé tous ses livres !<br /> <br /> <br />
A
Je ne connaissais que De Marquette à Veracruz de Jim Harrison, mais là tu m'as donné envie de découvrir ce livre. Merci !
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P
Si tu veux lire du très bon Harrison, je te conseille de lire "Dalva"