La bâtarde d'Istanbul - Elif Shafak
Armanoush Tchakhmakhchian vit aux Etats-Unis, où elle est née d’un père arménien et d’une mère américaine. Depuis le divorce de ses parents, elle se sent déchirée entre ses deux cultures, d’autant que sa mère s’est remariée avec un turc (ennemi héréditaire des arméniens depuis le génocide de 1915). D’un côté ses tantes paternelles la gavent de nourriture et d’histoire arménienne, de l’autre, sa mère veut faire d’elle une parfaite petite américaine.
De l’autre côté de l’Atlantique, Asya Kazanci vit à Istambul, dans une famille de femmes, toutes un peu originales. Asya n’a pas de père et sa naissance reste un mystère. Elle est "la bâtarde" et ce manque paternel a fait d’elle une rebelle nihiliste.
Un jour, Armanoush décide de traverser l’océan pour aller sur les traces du passé de sa famille. Elle débarque dans la famille de son beau-père, les Kazanci. Entre la jeune turque en manque de son passé et la jeune arménienne, dévorée par le sien, l’amitié va être immédiate.
Ce roman foisonnant est un prétexte à nous raconter, à travers l’histoire de deux familles que tout semble opposer, l’histoire récente de la Turquie, pays en mal d’identité, coincé entre l’Europe et l’Asie, rejeté par la première et ne voulant pas s’intégrer à la seconde… La Turquie est le dernier morceau de ce qui fut l’Empire ottoman qui domina tout le Proche-Orient pendant sept cents ans. Mais les turcs refusent cet héritage puisque la Turquie moderne est née en 1923 avec l’avènement de la république. Donc les turcs refusent de reconnaître le génocide arménien, et les arméniens ne peuvent guérir de leur histoire douloureuse sans cette reconnaissance.
A l’heure où l’entrée de la Turquie dans l’Europe est un sujet sensible, j’ai trouvé passionnant de découvrir à quel point ce pays semble moderne, tolérant et ouvert. L’auteure nous promène dans une Istanbul cosmopolite où cohabitent toutes les nationalités et toutes les religions. Asya, passionnée de musique, et Armanoush, amoureuse de la littérature, vont se découvrir plein de points communs, parmi lesquels la nourriture n’est pas sans importance et ce n’est sans doute pas un hasard si chaque chapitre de ce roman porte le nom d’un ingrédient : on prend trois kilos rien qu’en lisant la liste des mets qui y abondent !
L'avis de : Valclair - Laure - Annie
Traduit de l’anglais (Turquie) par Aline Azoulay.
Phébus, 2007. – 319 p.